Une saveur particulière peut parfois nous ramener des années en arrière. L’émotion que procure un souvenir gustatif est puissant et intemporel, et peut surpasser le meilleur gâteau du moment. Cette émotion, Karo, notre retoucheuse imprononçable la connaît bien. Avec elle, nous avons rendu visite au pâtissier de son enfance, celui chez qui elle déguste la galette des rois depuis de nombreuses années.

La mémoire du goût

Assis sur un tabouret, le dos fatigué par des années de tourage, Christian Mécrin façonne avec attention les galettes de l’Épiphanie. Autour de lui, son garage aménagé en cuisine raconte la passion de ce pâtissier pour son métier. À la retraite depuis plusieurs années, il y revient toujours pour faire plaisir à ses proches. C’est à Montier-en-Der, village de 2 500 habitants, qu’il a tenu pendant 25 ans la pâtisserie de son père, qui l’avait lui-même tenue pendant 25 ans avant lui.

Alors qu’il cache une fève au milieu de la frangipane, Christian Mécrin revient sur ce que représente pour lui cette galette. Une tradition ? Une fête ? À cela, il répond tout simplement, un jeu. Celui de découvrir la fève comme un trésor, ou de compléter une collection peut-être.

À l’époque, il produisait l’ensemble de ses gâteaux pour l’Épiphanie quelques jours seulement avant le jour J. Ses clients n’attendaient qu’une chose de cette galette : sa recette. Impressionnant, quand on pense qu’aujourd’hui, Noël n’a pas encore pointé le bout de son nez que l’on doit déjà penser à réserver sa galette.

La fidélité en héritage

Pour Karo, cette galette est la meilleure.

Qu’est-ce qui provoque notre attachement pour un goût en particulier ? Le souvenir. La certitude que l’on retrouvera exactement la même saveur que celle qui nous a tant plu dans l’enfance.

Mais la puissance de ce souvenir est aussi possible grâce à un cercle vertueux entre les clients, l’artisan et ses fournisseurs. Christian Mécrin a toujours accordé le plus grand soin au choix de ses produits, à leurs origines. Sa recette, il la réalise comme il la réalisait il y a plusieurs décennies. Il les façonne à la main sans cerclage, avec une pâte feuilletée et une frangipane maison. C’est aussi une histoire de fidélité à ses fournisseurs. Il raconte avoir toujours commandé chez Valrhona.

Attablé dans sa maison, Christian Mécrin a posé sur la nappe à carreau un album où se succèdent les photos de pâtisseries et de pièces montées. À une époque où les pâtissiers deviennent de vraies célébrités, lui a toujours mis en avant son produit plutôt que son image. La fidélité, elle est pour sa recette, son savoir-faire.

Aujourd’hui, les méthodes de consommations évoluent en permanence et la course à la nouveauté est effrénée. Christian montre que le succès peut résider dans la puissance de la mémoire du goût. C’est cette mémoire, transmise par des saveurs inchangées, qui tisse un lien entre les générations et les héritages. Celui d’un artisan qui perpétue une tradition et laisse une empreinte indélébile dans le cœur de ceux qui goûtent à son savoir-faire.

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